Comment remettre la Danse au centre de la piste ?

Tendance TikTok, Hard Techno et portables à tout va, la musique électronique fait face depuis l’après-COVID à une situation ubuesque, divisant son public et alimentant nombre de polémiques, nous faisant presque oublier son essence : danser.

Au cœur de notre quotidien, la place des réseaux sociaux et leur impact sur notre société est de plus en plus débattue, et ce, au sein même de nos plus hautes instances. L’omniprésence dans nos vies des algorithmes, régis par des géants chinois ou américains, influence évidemment notre rapport au monde qui nous entoure. Faiseur de tendances et de modes auxquelles se conformer ou non, la musique électronique est touchée de plein fouet par cette révolution binaire basée sur des likes et des followers.

Non loin d’être fondamentalement mauvaise, elle a redonné un vent de fraîcheur à des courants enfermés dans des étiquettes historiques peinant à se renouveler. Les barrières entre les styles ont volé en éclats, au bénéfice de mélanges audacieux, à l’instar par exemple d’une house/garage UK plus créative que jamais grâce à des artistes comme Overmono, Fred Again., Nia Archives ou encore Kenya Grace. Des visions musicales toutes différentes les unes des autres et pourtant si complémentaires.

Un changement profond et structurel ayant presque fait oublier les clivages anciens dits commerciaux et alternatifs. Mais passée la nouveauté et le vent de fraîcheur, l’expression de cette nouvelle identité artistique auprès du public se veut verticale. Une vision bien étrange symbolisant avant tout la démocratisation, et surtout la hype que représentent aujourd’hui les DJ.

Très rares sont les courants musicaux pouvant se vanter d’être imperméables aux tendances, tant dans son approche artistique que dans l’appréciation des publics. Si l’Afro House estampillé Keinemusik ou la Techno mélodique que représente Anyma sont souvent pointés du doigt, dans la réalité les scènes et les artistes souvent décrits comme « puristes » affrontent eux aussi les océans de téléphones, à l’image de Marco Carola pourtant loin des standards d’une musique grand public.

Preuve en est, ces vidéos qui parviennent dans nos feeds régulièrement montrant des foules les bras en l’air, immobiles, cherchant à capturer la meilleure image possible pour les réseaux. Si elles indignent, elles montrent aussi un comportement réel du public, axé sur un désir de montrer le moment plutôt que de le vivre.

Il en est aussi une réalité que le lâcher-prise des artistes sur scène ou du public ne peut plus se faire naturellement. La peur des buzz, de la décontextualisation et des images peu respectueuses d’un moment de transe et de liberté vient refermer sur nous une pression sociale oppressante. Comment se laisser porter par l’énergie d’une foule apathique, non pas concentrée sur la musique mais sur les tags de sa story…

Si ironiquement ce comportement a permis de pousser la musique électronique comme jamais, les boucliers se lèvent de plus en plus contre les téléphones sur les événements. Nombre de collectifs et DJ s’engagent pour remettre la danse au cœur de la piste. Bien inspirés par les pratiques berlinoises où le téléphone n’a jamais pu se faire une place centrale, les initiatives fleurissent de partout. L’objectif est clair, il faut remettre la danse au centre de la piste.

Mais comment ?

Nous pouvons prendre l’exemple du festival Family Piknik à Frontignan dans le sud de la France, qui a même porté au rang de slogan le besoin de danser. Le festival invite son public à oublier le temps d’un week-end les téléphones pour profiter de l’instant présent avec pour mot d’ordre : Back To Dancing.

Il est essentiel de se déconnecter, de s’éloigner des écrans, même temporairement, pour retrouver cette connexion avec son propre corps et ses sensations. Danser est l’une des meilleures façon d’y parvenir. Laisser son corps bouger
sans se soucier de documenter l’instant.


Juste être là, vivre pleinement le moment présent. On veut que notre festival soit une alternative face à tous ces événements sur-dimensionnés, qui donnent la priorité au marketing, à l’image, aux mappings vidéos et aux scènes démesurées. On a envie que les gens se laissent aller à la musique, oublient les réseaux et soient ainsi en phase avec les artistes en temps réel, sans écran intermédiaire. Un retour aux sources, un cri du coeur : BACK TO DANCING.

Ludovic Rambaud – programmateur Family Piknik

Un désir de danse qui se traduit par une programmation plus éclectique que jamais pour le festival. D’un côté les grands noms de la scène Techno : Carl Cox, Vintage Culture, Anna, Stimming, mais aussi les talents émergents qui partageront la scène principale comme Avtel ou Jas/t.

Une mainstage qui sera complétée par une scène plus House et minimale grâce à la présence de Marina Trench, l’incroyable B2B entre Traumer et Janeret, mais aussi les mélodies envoûtantes de Propellar et Nicolas Masseyeff. Bref, une Nomad Stage qui se présente comme notre coup de cœur de l’été. Le festival travaille également en partenariat avec Pandemic Events et présentera pour la deuxième année consécutive une scène Hard music, afin de proposer un éventail de styles aussi rare que bienvenu.

D’autres initiatives émergent de la part d’artistes influents, à l’image de Mosimann. Avec sa tournée « Voulez-vous », le slogan martelé est « Phones down, hands up ». Des soirées lors desquelles les participants sont invités à mettre une gommette sur la lentille de leur téléphone, comme cela peut être le cas depuis des années à Berlin, ou même en France avec les fameuses soirées No gender.

Si les réseaux et les téléphones sont un moyen d’expression central pour la musique électronique, il apparaît pourtant essentiel que les DJ’s, collectifs et promoteurs mettent de côté les codes marketing sophistiqués au profit de l’expérience musicale. La culture de la hype et de la tendance a dénaturé l’essence de la culture et de l’art. Le partage et la musique doivent s’afficher comme les éléments centraux qui vont mobiliser les publics et pour lesquels l’expérience doit désormais être repensée. Faire des instants de fête des moments réels où les participants peuvent se lâcher sans filtre et se déconnecter d’une réalité morose conditionnée par nos scrolls.

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