La Techno est-elle l’EDM de demain ?

Mouvement historique et fondateur de l’une des plus grande révolution musicale, la Techno ne se démode pas, bien au contraire.

Guidée par une popularité de plus en plus grande, la scène Techno semble franchir un cap depuis ces dernières années. Effet de mode, évolution du son, nouveaux artistes ? Tentons de cerner les enjeux qui entoure LE style du moment.

La fin de l’underground ?

Attaché dès ses débuts au terme d’underground et à un courant qui se veut non commercial et en dehors des circuits de distributions classiques, nous pouvons nous questionner sur la légitimité de ce terme aujourd’hui. Est-ce que qualifier la Techno d’underground à encore un sens ? En a t-il déjà eu un ?

Nous serions tenté de dire que oui. Forgé par la culture rave et un désir de liberté de ses acteurs (tant artistes que clubbers), une partie de la Techno se voulait revendicatrice et engagée. Jeff Mills se désolait récemment d’une popularisation de la Techno.

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Source interview Jeff Mills : Trax

Bien qu’une très grande partie de la scène ne soit pas mise en avant par les médias traditionnels, nous ne pouvons nous empêcher de déceler une attractivité du style. Les chiffres des streams de DJ set montrent l’intérêt du public pour la Techno. Dans le rapport sur le marché des musiques électroniques pour l’IMS 2019 de Kevin Watson (analyste et fondateur de Danceonomics), nous apprenons qu’entre 2008 et 2018, les sets diffusés par Mixmag ont cumulé 280 millions de vues sur Youtube. Ces dernières marquent une forte progression entre 2015 (44 millions de vues) et 2018 (74 millions de vues). De son côté, Cercle a enregistré plus de 77 millions de vues en 2018 et 82% de ses auditeurs ont entre 18 et 34 ans.

Que se passe-t-il ?

L’explosion des réseaux sociaux et leur utilisation par des artistes du style peut contribuer à cette popularisation. Entre 2018 et 2019, Nina Kraviz, Charlotte de Witte et Amelie Lens ont vu leur fan base augmenté plus rapidement que le top 5 des dj’s les plus populaires (David Guetta, Skrillex, Marshmello, etc…). Leur forte présence et les stratégies de communication mises en places ont forcément leur rôle à jouer, mais cette explosion ne découle t-elle pas surtout d’un intérêt nouveau du public ?

L’ère Bigroom/ EDM, portée par des artistes comme Martin Garrix ou Hardwell semble avoir du mal à se renouveler. Les festivals les plus représentatifs du genre font évoluer leurs mainstages au profit d’artistes plus orienté Techno, Tech House ou Progressive. La Mainstage 2020 de Tomorrowland accueillera le légendaire Hernan Cattaneo, chose impensable il y a encore quelques années en arrière. Il ne sera pas le seul, puisque Carl Cox, Boris Brejcha, Stephan Bodzin, Tale Of Us ou encore Adam Beyer prendront également les commandes de la scène principale.

Ce tournant est aussi marqué par une évolution du son. Plus accessible ? Plus moderne ? Il vient toucher un nouveau public par le biais d’artistes extrêmement populaires jouant cette musique. Énorme hit de l’année 2019, le remix du “Return To Oz” de Monolink par Artbat est playlisté par des artistes superstars tels qu’Armin Van Buuren ou David Guetta et ainsi mis en avant auprès d’un public bien plus large.

Monolink - Return To Oz (ARTBAT Remix)

Vers une fission de la scène ?

Mais c’est peut-être bien cette évolution qui sonne le glas de la discorde. Style le plus vendu sur la plateforme Beatport, la Techno voit sa catégorie évoluer. Le genre est désormais divisé en deux avec d’un côté les sons “Peak time/Driving & hard” et de l’autre, “Raw, deep & hypnotic”. De plus, depuis plusieurs mois, la Techno mélodique à elle aussi sa propre catégorie. Cette distinction a été réalisée suite à la demande de nombreux artistes et professionnels du secteur parmi lesquels nous retrouvons : Adam Beyer, Perc, Umek, Ellen Allien ou encore des labels comme Rosten, Hypnus ou Tronic.

Cette fission est encore plus marquée par les programmations de festivals. Toujours plus démesurés, les géants de la Techno proposent des Line Up composée des plus grandes têtes d’affiches du style. A cela s’ajoute des scénographies démesurées pour assurer le spectacle. Le fameux Awakenings festival a établi un sold out historique pour son édition 2020 en vendant l’ensemble de ses billets en moins de 24h00 !

Par rapport à cela nous pouvons nous demander comment les artistes dit “Midliners” (moins populaires que des têtes d’affiches) peuvent se mettre en avant sans dénaturer leur musique. Les concepts et événements intimistes sont peut-être aujourd’hui la clé pour maintenir un équilibre. D’un côté, la possibilité de vivre des événements démesurés avec des artistes populaires, de l’autre, une exploration plus artistique qui nous ramène à la culture club.

Cette évolution marque un tournant historique pour la Techno et de nombreuses questions se posent. Comment se prémunir des pièges dans lesquels est tombé l’EDM ces dernières années ? Comment les artistes peuvent-ils conserver leur authenticité et démarche artistique avec le succès ? Pourquoi parlons-nous de “Techno Business” ?

Découvrez notre émission à ce sujet sur ce lien avec le DJ et producteur David Asko, et Loïc Dervissoglou, directeur artistique de Tapage Nocturne.

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